La note de l'écrivain

Le rêve c'est bien, mais la réalité est plus nuancée, plus complexe, terreau du meilleur parfois du pire. L'histoire humaine est jalonnée de rêves aux allures de cauchemars..

Le voyage que notre famille entreprend permet sans nul doute d'être témoins privilégiés de faits souvent ignorés ou mal évalués. Quand on vit, comme le plus grand nombre, abrité par quatre murs et un toit, on a parfois peur mais on suppose que le danger ne passera pas la porte, préférant regarder par la lorgnette (le petit écran) ce qui se passe au-dehors. Le danger n'est pourtant pas dans la réalité, mais dans le fait de ne pas vouloir la voir, où d' en nier une partie, car elle n'est ni bonne ni mauvaise, elle est ce qu'elle est.

Notre gazette s'invite dans vos boudoirs chaleureux, petit moment de pause, réflexions, idées, impulsions et initiatives pour que résolument attentifs, nous nous souvenions que notre humanité tient dans notre faculté à rêver et notre capacité à transformer nos rêves en réalité. Pour le meilleur et le meilleur!

samedi 23 août 2014

Homps... On tient la barre!


Quittant Carcassonne et sa morosité, nous nous installons le long des berges du canal du midi, dans la douceur du pays minervois, à Homps. Village et petit port pour les bateaux de tourisme et les péniches qui sillonnent le canal: huit restaurants, un coiffeur, un boulodrome, et le lac de Jouarres, non loin, pour se baigner, Homps invite à la paix. La région est venteuse et nous craignons d'être confrontés à nouveau aux problèmes de tenue de notre petit théâtre face aux facéties du dieu Eole. Il n'en sera rien, nous orientons notre roulotte de sorte qu'elle fasse écran au vent puissant d'Ouest (le Cers). Nous serons de même épargnés par les orages qui feront preuve de bon goût en frappant nos jours de relâche, épargnant ainsi les jours de jeu. Nous n'aurons donc aucune annulation et nous donnerons huit représentations avec une moyenne de 46 spectateurs. Ainsi, nous redresserons la barre économique, et nous éviterons la banqueroute. Bref, vraiment pas mal, pour un tout petit village, et aucun démarchage de notre part chez les commerçants: notre communication, ici, s'étant réduite aux passages dans les marchés de Lezignan et Olonzac avec « criée et accordéon» et distribution de cartes postales imprimées à nos effigies que nous avions encore en stock, (évitant ainsi des dépenses en frais d'impression et un surcroît de fatigue), sont assurés aussi des passages quotidiens dans le village de Homps et aux abords du lac de Jouarres. Nous serons très bien accueillis par la mairie, les commerçants et la capitainerie. Ouf, car la grande nouvelle pour ceux qui l'ignoraient encore est que nos enfants veulent tous s'essayer à l'école!... Nous avions donc, Xavier et moi, décidé d'écourter notre saison de jeu et de finir plus tôt que nos autres saisons (fin Août au lieu de fin Octobre), pour nous permettre de résoudre rapidement les multiples questions posées par leurs souhaits et évaluer les conséquences directes de leurs choix sur notre mode de vie. Deux mois de moins donc pour travailler et cela dans un contexte économique déjà difficile pour nous cette année. (Année d'élection= saison difficile).

Ainsi donc, à Homps, nous aurons la joie de revoir notre ami Dan. Ce dernier allait m'offrir une occasion de raconter une belle histoire. Le soir même d'une représentation, il nous téléphonera en rentrant chez lui, nous demandant inquiet et sans grand espoir, si nous n'aurions pas trouvé un petit pendentif en argent qu'il avait perdu et auquel il tenait beaucoup. « C'est incroyable !!! » répondions-nous, « figure- toi, qu'après la représentation, Erwenn est venu nous voir, ton petit pendentif en main ». Erwenn, les yeux brillants, semblait très fier de sa découverte, son petit trésor! Examinant la trouvaille, je me demandais de quoi il s'agissait ; le petit pendentif s'approchait de la lettre « F » tout en n'en n'étant pas l'exacte copie. Je mis le bijou de côté, ma curiosité insatisfaite, et il resta là posé sur notre carnet d'or, jusqu'au coup de téléphone de Dan. Je compris qu'il s'agissait d'un trésor quand notre ami, soulagé, m'en expliqua le sens. « C'est un signe en hébreu qui signifie la vie , je ne m'en sépare jamais! » Dan à vécu à Jérusalem, il est archéologue, polyglottes, et musicien doué. Je souris, honorée d'être garante de ce bijou auquel il tenait tant. Je pensais : «  c'est donc à la vie qu'il s' accroche, la vie symbolisée dans ce minuscule morceau de métal ». Il croyait peut-être l'avoir perdue lorsque le bijou avait glissé de son cou, et voilà qu' Erwenn, le plus jeune et le plus solaire de mes enfants, retrouvait sur le champs ce minuscule objet. Le trésor était « la Vie », et « la Vie » était à l'abri chez nous, attendant sagement dans une boîte d'être rendue à mon ami Dan... Dan sans le savoir avait déposé un instant la vie dans ma boîte à bijou...

Et à Homps, nous aurons vécu toute la puissance de ce que nous nommons la vie. Les retrouvailles de Nelly, qui m'offrira un magnifique livre « Paroles de femmes », sa maman Anne-Marie, la petite Emma, les amis Bernard et Céline venus de Belgique pour les vacances et qui viendront nous découvrir sur scène après dix ans de vie chacuns de nos côtés, puis nous nous dirons à nouveau au-revoir, nos enfants qui revoient leurs grands- parents, les rencontres avec, l'amoureux de Nelly, les touristes du Maquis (camping alternatif dans le Minervois), des flamands venus vivre et s' installés dans le Gard, nous rencontrerons des gens sympathiques et drôles sur une terrasse d'Olonzac, Raphaël serveur au « Tonnelier » à Homps et la patronne de Raphaël, la marraine de Céline vivant à Albi et une moitié de l'année en Tunisie, nous reverrons la dame « aux échecs » d'Albas et sa petite fille, Luc des corbières et ses enfants, la compagnie de « l'arbrasonge » préparant son nouveau spectacle « le son des cailloux », nos enfants recevront des bracelets brésiliens d'une spectatrice émue, et puis Paulo (charpentier et constructeur de roulottes qui nous invite d'emblée à venir le voir sur les hauteurs de Félines Minervois)... Mon dieu, tout un petit monde de rencontres riche, de différences, de singularités, de joies et de doutes, réunit sous notre modeste théâtre. Ceux que l'on revoit, ceux que l'on quitte, ceux que l'on ne reverra sans doute plus, regards et sourires croisés échangés, complicités nouvelles, foisonnement d'émotions, gisantes sous la peau lisse ou ridée, émotions que l'on partage et où l'on se baigne, larmes de joie et de peine, courant d'eau et de rires dans lequel on se voit, on se regarde vraiment : instant et espace particulier où l'on se sent terriblement en « Vie ». Comme une confirmation, un spectateur flamand me dit cherchant les mots, avec son accent de là-bas et en roulant les « R » : « Merrrrci, vrrraiment, c'est beaucoup plus qu'un spectacle que j'ai vu ce soirrr... C'est... C'est tellement.... ». J'essaie prudente de l'aider : « … Revigorant? ». « Sorry, mais je comprrrend pas ce mot. » Je réessaye : « Vivant? ». Il confirme : « OUI ! C'est ça... C'est... Allé... Comment je dis... C'est... Spirrrituel. ». Tout le monde rit, le mot est dit. J'enchaîne comblée : « C'est ça ! C'est exactement ce que nous tentons de faire : remettre du sens, réveiller le sens, recréer le sens, retrouver le sens... » C'est pour moi, une urgence de ce monde : reconnecter les êtres à ce qu'ils ont de plus précieux, à leur source intime et personnelle et cela par cet art particulier que l'on appelle le théâtre. Quelques jours plus tard, alors que nous allions être pris dans les courants les plus tumultueux de nos émotions, il nous faudra faire le grand écart entre les joies les plus grandes et les douleurs les plus terribles.

Car notre séjour sur Homps se terminera par un deuil et... un mariage le lendemain! La toute petite Eline, deux semaines à peine, passée dans ce monde comme un souffle pur, s'en est allée pour retourner vers le mystère d'où nous venons tous, face à la douleur extraordinaire de mes amis nouvellement parents, il était impossible de trouver le moindre mot apaisant, seule la présence bienveillante pouvait peut-être les accompagner. Face aux yeux clos sur le mystère de la petite Eline, si jolie, si parfaite, je ne pouvais qu'interroger la « Vie » et méditer sur sa fragilité et son miracle: nous étions tous appeler à travailler à l'essentiel et à nous éloigner du futile, je promettais devant Eline de m'y essayer le plus souvent possible, et me rappelais que l'essentiel était de travailler dans la conscience d'être partie d'un tout. Il fallait donc créer du lien tout en travaillant quotidiennement à rester en lien avec le cœur. Car dans le cœur, aucune frontière, aucun jugement, aucun conflit, juste la paix immense que procure la conscience de savoir aimer et être aimer. Quittant la Haute vallée et laissant mon ami, le papa d'Eline, je me préparais à jouer ce soir pour eux, et à leurs envoyer autant d'énergie de vie qu'il m'était possible de créer par mon travail.

Le lendemain, fatiguée et triste, je me rendais à Quillan, chez mes amis, « Guillaume le conquérant » le mécano, et sa compagne, « Emilie la très jolie », immédiatement je fus prise par le tourbillon de joie dont ils savent s'entourer, mes amis s'étaient mariés, et nous venions accompagner de nos vœux leur cérémonie en prestant le duo de la « Dame Oiseau » et du « Bigleux ». Notre cadeau fût très apprécié par nos amis et leurs convives. Ils nous ont offert le repas et le verre. Pas le temps pourtant de s'attarder, nous sommes repartis aussi vite pour regagner le Minervois et nous préparer à jouer le spectacle du soir. Nous avons eu le plaisir de revoir « Eric le doux » le garagiste à la valise rencontré lors de notre panne à Limoux. Et nous avons terminé notre saison sur cette représentation chargée des énergies joyeuses et vivifiantes du mariage de Guillaume et d' Emilie.

C'est ainsi, que sur deux jours à peine, écartelée entre les peines les plus indicibles et les promesses de joies les plus grandes, je regardais toute cette « Vie », je recevais en pleine face toute la violence des forces de la « vie », je me débattais submergée, je hoquetais dans les sanglots, je pleurais puis riais sans répit, puis, un moment, je lâchai prise, juste témoin attentif d'un instant de vie, et au-delà des souffrances et des joies, au-delà des mots ou des silences, au-delà de la fatigue, au-delà des questions, se posait soudain toute l'évidence magnifique du privilège incroyable d' ETRE... Là... Ici... « Seule » et pourtant « avec »... Reliée aux autres par une petite chaîne légère en argent, un fil subtil, et ici et là, accroché comme un rappel, un petit bout de métal en forme de « F » que parfois l'on croit avoir perdu, un signe en hébreu qui rappelle que l'on est en Vie. Dan, mon ami, pouvait être rassuré, le hasard avait "perdu" la "vie" chez nous, et oui, Erwenn pouvait être fier, il avait bel et bien trouver un trésor... Et les vrais trésors, bien sûr, n'ont pas de prix.




jeudi 14 août 2014

Quand le vent est tombé... Carcassonne 2ème...

Finalement, lorsque nous quitterons Carcassonne, l'impression générale sera contrastée. Entre la mairie qui semble détenir le monopole du choix de ce qui est « bon » culturellement pour le public, l'autorisation obtenue avec toutefois une interdiction de faire la criée à l'ancienne et nos dépliants ne pouvant être distribués dans la Citée (la criée étant assimilée à un trouble de l'ordre public, et l'interdiction pour tous de faire de la publicité dans l'enceinte de la citée), les rues vides d'artistes et d'animations et cela en plein mois de juillet, (ceci pour répondre sans doute à la très grande crainte du fonctionnaire de mairie, chargé du respect des règlementations sur la ville de Carcassonne, de voir la ville « envahie par tout et n'importe quoi », face à la crainte du Monsieur, ils semblent avoir opté pour « rien »), certains commerçants de la citée troublant notre prestation sous contrat lors du festival d'été (commerçants à qui il est interdit par la mairie de distribuer des tracts dans la cité ! Ils paient des loyers prohibitifs, et ne peuvent animer d'aucune manière les rues de la citée sans en avoir d'abord demander l'autorisation, on comprend mieux l'agressivité des gens et les dénonciations qui pleuvent entre-eux, eux qui font vivre la Citée), les difficultés éprouvées à cause des conditions climatiques extrêmement changeantes, mais aussi et heureusement, les rencontres magnifiques de spectateurs conquis qui passeront avec nous les quatre soirées après spectacle en partageant les rires, les réflexions, le vin et le jus de raisin fait maison, la musique et les moments de danse, les coups de gueule, et les échanges en anglais, en espagnol, en polonais et en tout ce qui peut aider à se faire comprendre. Alors là, on se dit que notre but est atteint, notre petite compagnie se sentait là, au cœur d'une petite société qui recrée du lien, au milieu des jeunes, des moins jeunes, des gens qui en ont plein le cœur et qui continuent à croire en notre capacité à rester créatifs et vigilants dans ce monde « sans queue, ni tête... Sans queue ni tête... Pas d'chapeau... Pas d'casquette... ».


Car en définitive, si nous aurions espéré plus de monde sur une ville telle que Carcassonne, nous ne nous en sommes pas trop mal sortis au vue des multiples difficultés rencontrées là bas. Le public fût extrêmement généreux tant au niveau de notre chapeau (eh ! Oui le nerf de la guerre), que sur le plan de la tendresse et la chaleur prodiguée, c'est ainsi que je salue Dan, ses amis et amies, son fils Eyal, Zora, les cinq jeunes animateurs de camping, Alain et son amoureuse Irène (viticultrice à Caune-Minervois), les trois employés de 11bouge virés sans scrupule de leur salle sous l'initiative du nouveau Maire (au prétexte d'une envie de re-municipaliser les locaux qu’ils occupaient ?!), les journalistes de l'Indépendant et de la Dépêche qui ont su se libérer malgré une présence plus que visible de tout les VANESSA PARADIS, LES BERNARD LAVILLIER, LES GAD, LES SOAN, LES STARS AC I234, LES THE VOICE 5678, ET TOUT LES AUTRES,... LE TOUR DE FRANCE 12345678910 Y COMPRIS, et bien sûr, je salue à nouveau l'initiative privée du gérant de Tridôme qui nous a accueilli sur son terrain, car sans ces initiatives et au vue de la politique culturelle de la Mairie de Carcassonne, l'avenir risque d'être sombre pour les petites compagnies locales et venues d'un peu plus loin ( la semaine destinée aux petites compagnies de cirque en début de festival d'été semblerait annulée dès la saison prochaine). Aujourd'hui, si l'on ne s'appelle pas Paradis mais Plouc d'à côté, c'est déjà l'enfer qui s'annonce (Business oblige : en tout cas y'en a qui ne jure que par ça!). Décidément j'ai un p'tit air en tête qui m'démange « Sans queue ni tête... Sans queue, ni tête... Pas d'chapeau, pas d'casquette... ». (Souchon)