Il y a des jours qui nous feraient
presque croire aux superstitions les plus ridicules : vendredi
13 ! Il fallait le faire, et ils l'ont fait ! Le cœur de
Paris a fait "boum » et avec lui, quelque chose en moi
s'est à nouveau fissuré... Le cœur voulait faire la fête mais
finalement il y a renoncé. Tout en morceaux qu'il était, il
préférait rester chez soi, rester en soi, avec les siens, les plus
proches, ceux qui ont le don par un seul de leur regard de vous
redonner la vie.
La vie par opposition à la mort, la
mort infligée comme « solution finale ». Quoi de moins
original ! Le monde actuel n'avait-il rien d'autre à proposer
que solutions et réponses ? Les religions, la médecine,
l'enseignement, pouvaient-ils encore offrir autre chose que réponses,
certitudes et dogmes ? Etions-nous encore capables de nous
entendre, de nous comprendre, de nous écouter sans jugement?
J'avais, les jours qui précédaient ce jour funeste, l'impression
étrange que nous étions trop pleins de nos convictions, de nos
certitudes et que nos égos, assoiffés toujours, jamais satisfaits,
engrossis mais jamais repus, étouffaient sans relâche un coeur qui
au départ n'était pourtant qu'ouverture...
Ah ! Le paradoxe de la réponse !
Nous vivions à l'heure de la réponse et de l'intime
conviction ! Nous vivions à l'heure des réformes et des
programmes, des nouvelles découvertes, des nouvelles technologies,
des nouvelles communications, pour certains mêmes, nous étions à
l'orée d'un monde nouveau, et, l'air ravi, ses disciples tentaient
de nous convaincre que celui-ci allait enfin apporter toutes les
réponses... Pourtant aujourd'hui dans nos "démocraties »
on ne se privait toujours pas d'exclure, de bannir, d'insulter, de
corrompre, de tricher, mais on le faisait sous l'apparence de
l'égalité, de la fraternité et de la liberté. Ce monde était
plein de biens pensants, con-vaincus d' avoir les bonnes réponses,
crétins joyeux d'un monde plus libre (confondant « la
liberté » avec « leur liberté »). Abrutis, qui à
la moindre contrariété se levaient d'un bond pour lapider, jeter la
pierre, condamner et bannir. Non, décidémment le monde n'était pas
nouveau, il ne le serait jamais. Inutile d'attendre un monde nouveau; l'histoire qui se déroulait, se
déroulait suivant la logique implaccable des causes et des
effets... Ce qui s'est passé vendredi 13 n'était que l'effet
catastrophique de causes engagées depuis le début de l'humanité.
Ceux que nous appellions à juste titre « barbares »
n'étaient que les innombrables verrues sur nos faces blanchies et
poudrées de nos démocraties malades.
Des réponses, mon dieu ! Depuis
que j'étais née, j'en avais reçu des paquets ! A la maison
des réponses, à l'école des réponses, dans les livres des
réponses, à l'église des réponses, et à chaque nouvelle réponse
mon coeur se rétrécicait. Une porte se refermait doucement sur un
jardin dont, un moment furtif, j'avais entrevu l'étendue infinie.
Petite, mon coeur était à la taille de ce jardin et puis il a fallu
grandir et s'élever dans un monde qui ne semblait pouvoir offrir
autre chose qu'un simple bouquet de fleur (souvent artificielles)
donné furtivement dans la cage d'ascenceur d'un immeuble haut et
propret, où à chaque nouveau pallier, derrière la grille fermée
de ce coeur- ascenceur, défilaient une série de portes numérotées
et... fermées.
Les questions ouvrent, les réponses
ferment... C'est assez triste mais c'est ainsi. Nous en sommes là,
on se retrouve seul, derrière la porte blindée de nos certitudes et
l'on guette par le judas l'arrivée potentielle d'un traitre. L'on ne
songe pas une seconde qu'en posant les verrous sur la porte de nos
maisons- prisons l'on s'est fait soi-même traitre...de nos coeurs.
Pourrons-nous un jour retrouver la liberté de courir dans nos
jardins immenses et surprenants, de nous y promener seul ou
accompagné? Y aurait-il aujourd'hui un lieu, un espace susceptible
d'ouvrir aux questions ?
Oui ! Je m'y suis promenée peu
avant cette tragique débacle. Je vais vous parler de vrais
« barbares » car j'en connais personnellement... Ceux-ci
ne sont pas voilés, au contraire ils se dévoient (parfois jusqu'à
la nudité), ils sont artistes, artistes de scène. Ils représentent
tout ce que j'aime chez l'artiste : ils sont fragiles et ne s'en
cachent pas, ils sont inventifs, ils peuvent plonger dans le grave
autant que dans le rire, ils sont debouts terriblement vivants et ils
posent des questions auxquelles ils ne cherchent pas à apporter de
réponses. Bref, ils sont « philosophes »... Comme quoi,
il est possible d'être spirituel sans s'engluer dans la religion. Il
est aussi possible, quand les coeurs sont ouverts, d'être barbare
sans sombrer dans la barbarie. Ce sont de beaux artistes généreux,
ils m'ont offert, un moment, une porte ouverte sur cet autre monde,
celui-de l'imaginaire, comme un miroir à ce monde trop dense. Ils
m'ont rappelée à la nécessité de rester libre et créateur. Ils
m'ont invitée à m'armer... de courage, de passion, d'une furieuse
envie de vivre et dans le vacarme de ce monde même s'il n'est pas
facile d'entendre l'harmonie, de me souvenir, plus que jamais, que le devoir de l'artiste est de s'armer de la plus grande détermination
pour y arriver. Donc, si votre coeur explosé a envie de faire
« boum » mais, cette fois-ci, pour battre à l'unisson
d'autres coeurs, je vous invite à découvrir l'univers de la
Compagnie « les philosophes barbares » avec « Monsieur
Jules », spectacle familial et « La chair périssable »,
spectacle à partir de 11 ans.
Pour ma part, c'est clair, pas de
réponse, pas de solution à ce monde... Juste une respiration, un
bol d'air dans le souffle des mots, dans la poésie, dans la musique
de nos âmes, une pause, un répis dans la folie qui n'en finit plus
de s'étaler... Pauvres fous que nous sommes, convaincus de ne pas
l'être ! Le monde entier qui hurle ne pas être fou... Mais
chut !... J'entends quelque chose... Comme un p'tit air de rien
qui fredonne dans ma tête, un p'tit air de rien qui fait du bien...
Chut... Ecoutez... ça fait... Boum... quand notre coeur fait
boum, tout avec lui dit boum, et c'est l'amour qui s'éveille...
Boum... Quand notre coeur fait boum...